La question de savoir comment apprendre la politesse aux enfants est une préoccupation courante pour de nombreux parents. Culturellement, cela implique malheureusement de forcer les enfants avec le fameux « dis Bonjour, S’il te plaît et Merci, et finis ton assiette, sinon… » mais sinon quoi ? C’est exactement ce que nous allons analyser dans cet article : chantage, menaces, punitions, isolement, privation d’attention, perte de confiance, négation des besoins… la liste des violences faites aux enfants, au bénéfice de cette sacro-sainte politesse, est longue… il est plus que nécessaire de voir disparaitre ces comportements adultistes ancrés en France et ailleurs. Comme toujours, après vous avoir expliqué pourquoi ils sont délétères, nous vous proposerons une posture alternative, respectueuse de l’Enfant. Celle-ci met l’accent sur l’exemplarité ainsi que la reconnaissance et l’expression des besoins, en utilisant la Communication Non Violente (CNV) comme outil de référence.
Exigence adultiste paradoxale : Exiger le respect sans le pratiquer en retour
Combien de fois l’on a pu entendre, en se baladant dans la rue, des personnes critiquer vivement les enfants en leur criant : “Dis-moi bonjour, tu me dois le respect !” Cependant, il est important de réaliser que le respect d’un enfant envers nous ne peut pas être obtenu en élevant la voix ou en le réprimandant.
En réalité, il existe un paradoxe évident : comment pouvons-nous exiger le respect de l’enfant alors que nous-mêmes ne le respectons pas en tant qu’être humain doté de droits ?
De plus, nous devons garder à l’esprit que l’enfant est un être humain avec un cerveau encore immature, en pleine évolution. Pour établir une relation de respect mutuel, il est primordial de construire une base de confiance avec l’enfant, ce qui ne peut être accompli en utilisant des méthodes autoritaires.
Pourquoi c’est néfaste de menacer un enfant s’il ne dit pas “merci” et “s’il te plaît” ?
Les effets néfastes des méthodes coercitives traditionnelles de politesse
Les méthodes traditionnelles de conditionnement à la politesse qui reposent sur des mesures coercitives et punitives sont néfastes pour le développement émotionnel et social des enfants.
Lorsque les enfants sont contraints d’utiliser des expressions telles que “s’il te plaît” et “merci” sans comprendre pleinement leur signification, cela crée une dynamique de pouvoir basée sur la soumission plutôt que sur la compréhension et le respect mutuels. Les conséquences de cette approche coercitive peuvent inclure :
- une pression excessive sur les enfants pour se conformer à des attentes externes,
- une incapacité à développer une compréhension interne des besoins (notamment de gratitude mais également de reconnaissance, etc),
- une relation parent-enfant abimée.
Ces méthodes coercitives, en plus de négliger les besoins émotionnels des enfants et leur capacité à exprimer leur reconnaissance de manière authentique, engendrent également un réflexe d’opposition. Lorsqu’on les force à utiliser ces formules de politesse, ils peuvent s’entêter à ne plus jamais les prononcer, manifestant ainsi leur refus de se soumettre.
La politesse forcée : Un piège pour l’authenticité et la véritable gratitude
Forcer les enfants à la politesse, anéantit les motivations intrinsèques, l’esprit d’authenticité, la spontanéité, la véritable expression de gratitude et la capacité à communiquer sincèrement. Seule devient importante la conformité immédiate : dire “merci” et “s’il vous plaît”. Cela réduit la valeur de l’acte de politesse, peut générer de la résistance. Cela ne favorise que les interactions superficielles et peut entraîner l’individu à perdre son sens de l’empathie et de la véritable considération envers les autres.
Forcer les gestes d’affection : La contrainte du bisou imposé
Il est fréquent de constater une volonté de forcer les enfants à faire la bise ou à dire bonjour, même s’ils ne le désirent pas. Cette pratique soulève des questions cruciales concernant les limites personnelles et le respect du consentement. En imposant ces gestes d’affection, nous négligeons le droit fondamental des individus à définir leurs propres interactions physiques et sociales. Contraindre quelqu’un à embrasser ou à saluer va non seulement à l’encontre de son espace personnel, mais cela lui transmet également une fausse idée du respect mutuel.
Cette contradiction envoie un message confus aux enfants, leur indiquant que leur propre confort et leur droit de refuser peuvent être sacrifiés au nom des attentes sociales. Cela peut semer la confusion et créer des déséquilibres dans leurs relations futures.
Embrasser pour obtenir
Un exemple souvent mentionné est la phrase répétée : “fais un bisou pour dire merci pour le cadeau”. Cette répétition tout au long de l’enfance peut avoir des conséquences dramatiques. En associant l’acte d’embrasser à une récompense, nous instillons une mentalité selon laquelle l’affection est conditionnelle et liée à l’obtention de quelque chose. Est-ce vraiment le message que nous souhaitons inculquer ? Ne devrions-nous pas plutôt encourager des expressions d’affection sincères, basées sur l’authenticité des sentiments, et non sur des obligations ou des récompenses ?
Il est essentiel de repenser cette approche des gestes d’affection forcés et de privilégier des échanges basés sur le respect mutuel, l’autonomie et le consentement éclairé. Encourager les alternatives respectueuses, comme une salutation verbale ou un signe amical, permet aux individus de s’exprimer librement et d’établir des relations plus saines, fondées sur des interactions authentiques plutôt que sur des obligations sociales.
Forcer de terminer l’assiette pour faire plaisir
Pour préserver les sentiments de la personne qui a préparé le repas, il est courant d’inciter un enfant à terminer son assiette par politesse. Cependant, cette pratique envoie un message troublant à l’enfant, lui faisant comprendre que son propre corps ne lui appartient pas et que les personnes qui l’aiment ont le pouvoir de décider des aliments qui doivent entrer dans sa bouche pour faire plaisir, afin d’éviter les conflits ou de ne pas offenser. Ainsi, la peur des conséquences négatives et la crainte de perdre le lien avec les adultes – qui sont censés garantir sa sécurité – sont à nouveau renforcées.
Il est essentiel de reconnaître que chaque individu a le droit de décider de ce qu’il consomme et de respecter les signaux internes de faim et de satiété. En forçant un enfant à finir son assiette, nous invalidons ses propres sensations et nous lui apprenons à ignorer ses besoins et ses limites corporelles. Cela peut entraîner des problèmes de relation avec la nourriture durant le reste de sa vie.
Au lieu de cela, nous devrions encourager une approche plus respectueuse envers le corps et les choix alimentaires de l’enfant. En lui permettant de se familiariser avec ses signaux de faim et de satiété, nous lui apprenons à écouter son corps et à développer une relation saine avec la nourriture. Nous pouvons également encourager la communication ouverte avec la personne qui a préparé le repas, en expliquant simplement les préférences ou les limites alimentaires de l’enfant, afin de maintenir un dialogue respectueux et de favoriser une compréhension mutuelle.
En fin de compte, il est important de valoriser l’autonomie de l’enfant et de respecter son corps en tant qu’individu unique. En évitant de forcer la consommation alimentaire par politesse, nous contribuons à cultiver une relation plus saine avec la nourriture, basée sur le respect de soi et des autres.
Comment apprendre avec bienveillance à un enfant à être poli ?
L’importance de l’exemplarité
L’idée fondamentale de cette approche est que les enfants apprennent avant tout par l’exemplarité. Les adultes peuvent prononcer ces mots courtois s’ils en ont envie, montrant ainsi aux enfants comment ils peuvent exprimer leur gratitude et leur respect envers les autres. En observant ces comportements, les enfants intègrent naturellement les formules de politesse sans qu’il soit nécessaire de leur imposer des règles strictes.
Laisser de la place à différentes expressions de reconnaissance
Il est également important de noter que si les enfants décident de ne pas utiliser ces expressions courtoises, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils manquent de respect ou qu’ils ne se soucient pas des autres. Cela peut simplement indiquer qu’ils ne voient pas l’utilité de ces formules de politesse ou qu’ils ont d’autres façons d’exprimer leur reconnaissance. La politesse est en grande partie culturelle, et différentes cultures ont leurs propres normes et conventions sociales. Ce qui est considéré comme poli dans une société peut ne pas faire sens dans une autre, et vice versa.
Une communication axée sur les besoins
Dans le cadre de la CNV, on privilégie une approche axée sur les besoins. Au lieu de se limiter à dire “merci”, il est possible d’exprimer sa reconnaissance en utilisant des formulations qui reflètent les besoins comblés. Par exemple, au lieu de dire simplement “merci”, on pourrait dire “ton attention me fait chaud au cœur” ou “cette attention comble mon besoin de reconnaissance”. En adoptant cette approche, on se concentre davantage sur la signification et l’utilité profonde de la politesse et on favorise une compréhension mutuelle des besoins et des émotions.
Le développement naturel des conventions sociales
Il est également important de souligner que les conventions sociales se développent naturellement lorsque les enfants commencent à socialiser en dehors de leur cercle familial, généralement vers l’âge de 6 à 8 ans. En interagissant avec d’autres enfants et adultes, ils acquièrent progressivement une compréhension plus large des attentes sociales et des normes de politesse. Cela signifie que même si un enfant ne se conforme pas immédiatement aux conventions sociales, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, car le temps fait partie du processus d’apprentissage et de développement individuel.
Il est essentiel de reconnaître que la politesse ne devrait pas être imposée aux enfants comme une attente, mais plutôt être présentée comme une forme d’expression volontaire. En tant qu’adultes, nous devrions montrer l’exemple en utilisant ces expressions courtoises si nous en avons envie, et laisser les enfants découvrir par eux-mêmes l’importance et la signification de la politesse. En faisant preuve d’ouverture et de respect envers leurs choix, nous encourageons les enfants à développer leur propre compréhension de la politesse. Cela leur donne l’espace nécessaire pour explorer différentes formes d’expression et développer leur propre sens de l’empathie et du respect envers les autres.
La politesse au-delà des mots
Il est également important de noter que la politesse ne se limite pas aux simples mots ou expressions. Elle englobe également des comportements tels que faire preuve de courtoisie, de respect et d’attention envers les autres. En montrant aux enfants comment être attentionné et respectueux dans leurs interactions sociales, nous leur inculquons des valeurs essentielles qui dépassent les simples formalités.
En conclusion, plutôt que d’essayer d'”apprendre” la politesse aux enfants, il est préférable de les guider en montrant l’exemple et en leur permettant de découvrir par eux-mêmes l’importance et la signification de la politesse. En valorisant leurs choix et en leur offrant un espace d’expression libre, nous favorisons leur développement individuel et leur capacité à interagir de manière respectueuse avec les autres. La politesse devrait être une expression volontaire plutôt qu’une attente imposée, permettant ainsi aux enfants de cultiver des relations authentiques et empathiques avec le monde qui les entoure.
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