Emmanuel Macron, lors d’un discours sur le “séparatisme” prononcé le 2 octobre 2020, a fait part de son intention de strictement restreindre l’IEF, en limitant ce droit aux enfants ayant des problèmes de santé – lesquels restent eux-mêmes à définir.
Prendre une telle décision serait absolument dramatique pour nombre d’enfants et leur famille, et nous allons vous expliquer pourquoi.
Article et données mises à jour le : 20 décembre 2020
Qu’est-ce que l’IEF ?
IEF, c’est l’acronyme d’Instruction En Famille. Il s’agit d’un DROIT qui est malheureusement encore mal connu en France, en partie à cause des médias qui désinforment encore très souvent par l’utilisation du terme biaisé d’ “école obligatoire”, alors que c’est strictement faux : jusque-là, c’est uniquement l’INSTRUCTION qui est obligatoire. Ce droit est inscrit dans le code de l’Education, qui remonte à 1882. Pour plus d’infos sur le cadre légal, vous pouvez consulter les pages des associations de défense de l’IEF.
L’IEF, c’est donc le fait de ne pas scolariser, ou de déscolariser, son ou ses enfants : il ne va pas (ou plus) à l’école, mais est instruit en famille, par un ou des membres qui l’entourent et l’accompagnent au quotidien. Il existe probablement autant de modes d’instruction en famille, que de familles qui la pratiquent. Certains ont choisi de faire “l’école à la maison”, c’est-à-dire de reproduire, plus ou moins fidèlement, ce qui est fait en classe ou selon les programmes établis par l’Éducation nationale. D’autres, a contrario, se laissent voguer au fil des jours, saisissant chaque opportunité que la vie met sur leur chemin pour créer ou entretenir un nouvel apprentissage – on appelle cela communément le unschooling. Vous trouverez une foule d’articles à ce sujet sur le site pass-education.fr, rubrique IEF (en haut à droite, en orange).
Restreindre l’Instruction en Famille pour lutter contre le séparatisme islamiste ?
De manière générale, l’IEF en France souffre cruellement d’un manque continu d’informations à la population. Le président de la République, dans son discours du 2 octobre, a contribué à fonder et entretenir l’amalgame entre instruction en famille (ou, non-scolarisation) et séparatisme (“islamiste”, en l’occurence). En effet, à la base, ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de son plan de lutte contre le “séparatisme islamiste”.
L’amalgame en a choqué plus d’un, dans les milieux IEF comme dans les milieux musulmans, mais il a aussi choqué -et heureusement- des gens qui ne sont concernés par aucun des deux. Cet amalgame est d’autant plus dangereux qu’il stigmatise les familles musulmanes en IEF, les pointant du doigt comme étant potentiellement des menaces à la Nation – ce genre de discours ne vous rappelle rien ?
Dans la réalité, qu’en est-il ? existe-t-il réellement un lien entre la non-scolarisation d’un enfant et le terrorisme ?
- On ne retrouve AUCUN CAS CONCRET de terroriste français ayant été instruit en famille ! Bien au contraire, tous les terroristes incriminés sur le territoire national ces dernières années ont tous fréquenté les bancs de l’école de la République.
- Si l’on creuse un peu et que l’on prend le temps de se renseigner et d’observer le quotidien des familles IEF, on se rend rapidement compte que leur voie est bien plus souvent celle de la liberté d’opinion et de la tolérance. Les familles IEF sont ouvertes au monde, et participent très souvent à des rencontres permettant aux enfants de côtoyer des populations très variées
- L’Instruction en Famille est déjà contrôlée, strictement, encore plus depuis le décret du 2 août 2019. Le projet de loi du président vient donc totalement remettre en cause les bons soins des membres de ces rectorats, mandataires de l’autorité de l’Éducation Nationale… ce qui ne manque pas de poser question, alors qu’il manifeste son intention d’envoyer encore plus d’enfants sur les bancs de l’école …
- Enfin, l’État veille aussi au grain grâce aux travaux du groupe Miviludes, chargé de surveiller les activités sectaires ou affiliées. Or, ce groupe de recherches n’a à ce jour rapporté aucun souci de séparatisme ou de radicalisation provenant de familles IEF.
On se demande donc sur quoi se base le président pour évoquer un risque de radicalisation islamiste lié à l’Instruction en Famille. Peut-on réellement remettre en cause la vie de plusieurs dizaines de milliers d’enfants, sur un doute n’ayant absolument aucun fondement ? est-ce là le principe de la Justice dans notre pays ?
Pourquoi se battre pour conserver ce droit ?
Alors que pour certaines familles, perdre ce droit serait leur pire cauchemar, il reste que beaucoup de parents se demandent sans doute encore pourquoi c’est si important de conserver ce droit – outre le fait élémentaire que perdre un droit, constitue en soi une vraie régression.
Afin d’informer ceux qui ne le sont pas, faisons un tour d’horizon succinct et non-exhaustif, mais listant néanmoins les principaux arguments en faveur de l’IEF – autant d’éléments qui crient la nécessité absolue de conserver ce droit !
En quoi l’école française pose-t-elle souci pour bien des enfants ?
Les violences institutionnelles
Tout d’abord, évoquons les violences institutionnelles ordinaires. Les découvertes des neurosciences de ces 30 dernières années nous ont appris énormément de choses sur le développement de l’enfant, que ce soit au niveau cérébral, psychique ou physique – les trois étant étroitement liés, et dépendants les uns des autres. Il s’agit là d’un point majeur : comment le gouvernement pourrait-il décemment nous obliger à mettre nos enfants à l’école, et ce dès 3 ans, alors que les principes fondamentaux de cette même école n’ont pas été remodelés depuis des décennies ? aucune adaptation concrète n’a été faite dans les institutions scolaires alors que les preuves scientifiques ont bel et bien été établies. Comment peut-on décemment, sachant ce que l’on sait grâce aux neurosciences, continuer en toute légalité à ne pas respecter les besoins élémentaires de l’enfant ? Comment, en France, en 2020, peut-on encore penser qu’un enfant de 3, 4 ou 5 ans, et même au-delà, va aller aux toilettes/boire/manger/dormir/faire telle activité ou telle autre, sur commande, quand cela arrange l’adulte ?
La santé
Dans son discours du 2 octobre 2020, Emmanuel Macron PROPOSE que l’instruction en famille soit, à partir de septembre 2021, strictement limitée aux impératifs de santé. Cela pose plusieurs problèmes majeurs :
- comment évaluer décemment la limite à partir de laquelle l’enfant pourra ou non bénéficier du droit restreint à l’Instruction en Famille ?
- comment seront gérées les erreurs de diagnostic ?
- comment seront pris en compte les problèmes d’errance médicale, de longueur du parcours avant la pose de diagnostic ? de difficultés matérielles d’accès aux soins ? de difficultés d’accès à l’information elle-même ?
- les praticiens bénéficieront-ils enfin de formations adéquates, qui leur permettent d’être au fait des évolutions des connaissances liées aux progrès des neurosciences ?
- l’école française, à l’heure actuelle, faillit déjà à accueillir convenablement tous les élèves… Comment donc pourrait-elle prétendre en rajouter quelques dizaines de milliers ?(l’estimation du nombre d’enfants actuellement en IEF est, selon Emmanuel Macron, de 50000)
- le racisme est encore très présent dans le pays, à tous les niveaux – à l’école, comme dans le parcours médical. Quelle prise en charge donc pour les enfants “non-blancs” souffrant de trouble, de handicap, et dont certaines familles vivent déjà en précarité économique, sociale et médicale ?
En effet, cette société non-inclusive (et donc, validiste) ne prend pas en compte bon nombre de handicaps invisibilisés, comme par exemple les DYS-, TSA, TDA/H. Ce n’est pas parce qu’on ne les voit pas au premier coup d’œil que ces handicaps n’existent pas. Bien souvent, les praticiens eux-mêmes, faute de disponibilité ou de formation suffisante aux progrès permanents en terme de compréhension de la neurodiversité, sont inaptes à poser le bon diagnostic. Il semble aberrant que, malgré les progrès scientifiques, il reste très difficile d’obtenir un diagnostic qui corresponde vraiment à la réalité de l’enfant, et pourtant c’est une cruelle réalité. Comment, dans ces conditions, est-il éthiquement possible de suspendre un droit inscrit dans nombre de textes officiels à des diagnostics qui ont déjà énormément de difficultés à être posés ?
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