Vivre ensemble : un sens et un besoin innés
Tous les êtres humains naissent avec la soif de rencontre et de relation avec l’autre. C’est un sens inné. Tous les êtres humains naissent avec le besoin de se sentir aimés, écoutés, respectés, reconnus en tant qu’individu, avec toutes ses particularités. Le nouveau-né n’échappe pas à cette règle, et c’est avec ces désirs profondément ancrés en lui qu’il vient au monde. Naturellement, c’est chez les adultes que le bébé va chercher ce dont il a besoin, et en premier lieu, chez la personne qui prend soin de lui au quotidien, le nourrit, répond à ses besoins primaires. Cette personne deviendra sa figure d’attachement, selon la théorie développée par John Bowlby dans les années 60.
Le nouveau-né cherche donc le contact, la relation, et il a déjà en lui toutes les capacités pour nouer la relation. Avant de savoir parler, avant même de (peut-être) communiquer par des signes, le tout petit sait s’exprimer : il sourit, il a des expressions, des mimiques, des regards, il fait des gestes, il émet des sons particuliers, il pleure, etc. Chacun de ces éléments a une signification qui lui est propre : je suis triste, je suis en joie, j’ai besoin de contact avec toi, j’ai sommeil, j’ai faim, j’ai peur, etc.
Bonding ou lien d’attachement
Cela a été prouvé à de multiples reprises lors d’observations scientifiques sur les mammifères : c’est bel et bien durant les premières heures de l’existence que se crée le lien avec la mère, le fameux « bonding », ce lien d’attachement fort, qui durera toute la vie, et posera chez l’enfant les bases de la sécurité affective, et donc de ses relations sociales.
Lors de l’accouchement et à la naissance, la mère et le bébé possèdent leur propre sécrétion d’endorphines. Ils restent tous deux, sauf mauvaises conditions d’accouchement, sous l’effet de ces opiacées quelques heures durant : c’est le début de l’accoutumance, les conditions à l’installation d’un attachement très puissant, d’une certaine dépendance. Notons que le lait des premiers jours suivant la naissance contient toujours des opiacées. Lorsque le bébé tête, cela provoque la production d’endorphines chez la mère : le lait est alors encore plus chargé en opiacées. Ce qui explique les impressions de bonheur intense, de plénitude, voire d’extase, que les deux êtres dégagent durant cette période. C’est plus fort donc dans les heures suivant la naissance. Lorsqu’il y a séparation à la naissance, la mère comme l’enfant sont privés de ces immenses atouts naturels, ce qui impactera leur relation future.
Conséquences de la séparation
Les raisons de la séparation à la naissance sont multiples. Elles peuvent être catastrophiques – décès de la maman – ou superflues (voire complètement ridicules -c’est du vécu) – bébé en néo-nat car ayant besoin d’un berceau chauffant, 5 berceaux chauffants disponibles dans le service où se trouvait la maman (désespérée) mais aucun n’avait été nettoyé.
Quoiqu’il en soit, les conséquences néfastes sont multiples :
- Vide affectif, pour le bébé comme pour les parents : le lien d’attachement, le bonding, ne peut se faire sous le bénéfice du fabuleux cocktail hormonal qui résulte de la grossesse ;
- Cohorte d’émotions négatives chez la mère, qui se sent privée de son rôle : angoisses, culpabilité, tristesse profonde ;
- Terreur pour le tout-petit, qui se trouve subitement confronté à un monde qui lui est étranger, froid, souvent bruyant, cruel de par son essence même. Il entend d’autres voix, il ne perçoit pas ou très peu de chaleur humaine.
La mère comme l’enfant sont envahis par les angoisses et le stress, et leur système limbique s’affole. Ils pleurent beaucoup. Ils souffrent. Cette hyperactivité émotionnelle provoque de fortes décharges, très nocives, d’adrénaline et de noradrénaline – d’autant plus fortes chez le nouveau-né qu’il n’est pas consolé et n’est pas en âge de se raisonner. Les répercussions sur la santé physique et mentale sont importantes, à la fois immédiates et à long terme :
- Pour la mère, on assistera souvent à des dépressions post-partum, des difficultés à recréer le lien affectif et à s’engager totalement auprès de son bébé, ou bien au contraire on assistera à une surprotection ;
- Pour le bébé, les conséquences sont encore plus nombreuses : infections à répétition, troubles respiratoires, troubles alimentaires, troubles du sommeil, maux de tête, dépression, accès de panique, etc. Enfin, soulignons que chez l’enfant nouveau-né, l’amygdale est une des seules structures cérébrales à être déjà mature. Elle va stocker tous ces ressentis de peur – si l’esprit conscient ne se souvient pas, le corps lui, n’oublie pas. Tous ces troubles risquent de persister lorsque l’enfant grandit, et jusqu’à l’âge adulte.
Voir aussi : Comment accompagner son enfant vers le sommeil ? (Sans l’y contraindre)
Concernant le nouveau-né, on notera d’autres conséquences particulièrement graves :
- Diminution de la neurogenèse (développement neuronal). Dans les cas les plus graves, cela peut même aller jusqu’à la destruction des neurones déjà en place, et gravement endommager des structures cérébrales importantes (comme l’hippocampe). Le stress diminue la myélinisation des tissus neuronaux, ce qui les fragilise, diminuant ainsi l’efficacité des neurotransmissions entre les différentes parties du cerveau : l’amygdale par exemple est alors non contrôlée, ce qui donne lieu à de terribles accès de violence.
- Exposition et propagation microbienne. Le bébé in utero a été habitué aux microbes spécifiques de sa mère : il a développé les mêmes anticorps IgG qu’elle. Présenter le nouveau-né à un autre environnement que celui du corps de la maman, c’est l’exposer à des dangers microbiens contre lesquels il n’est pas encore paré.
- Non-ingestion du colostrum. Particulièrement négligée en France, l’absorption du colostrum présente un avantage de taille pour la fabrication de la flore intestinale du bébé. Bien souvent malheureusement, elle est totalement ignorée et n’a pas lieu.
Nombreux sont les praticiens à négliger ces aspects pourtant fondamentaux de la naissance, nombreux sont-ils aussi à juger ces problèmes comme « normaux » donc pas graves, et inévitables dans la gestion d’une structure d’accouchement : donc, on laisse faire. Beaucoup se réfugient aussi derrière l’option si facile de résoudre les problèmes des uns et des autres par les médicaments.
Si la séparation à la naissance s’éternise, qu’il y a un manque de continuité dans les soins, un manque d’amour dû au manque de présence, la régulation affective et émotionnelle ne pourra pas se faire, et le bébé grandira dans la souffrance et des angoisses inconsolables. L’enfant pourra, faute de réponse à ses appels au secours, se replier sur lui-même et apprendre à ne plus exprimer ses affects : une caractéristique qui le poursuivra sa vie durant, s’il n’a pas la chance de tomber sur un témoin secourable qui l’aidera à extérioriser sa souffrance primale.
Comment minimiser l’impact de la séparation ?
D’abord, bien entendu, en minimisant autant que possible la durée de la séparation. Quand celle-ci est toujours présente, en faisant le maximum pour que mère et enfant puissent être mis en contact. Il appartient à l’équipe médicale encadrante de tout faire pour favoriser le lien. C’est possible notamment grâce au peau-à-peau, qui est un moyen simple de déclencher immédiatement une sécrétion d’ocytocine, par le bien-être ressenti (il faut bien entendu que le contact soit intentionnellement tendre, il ne s’agit pas là du simple contact des soins médicaux). Les recherches à cet égard ont montré sans équivoque que les prématurés ayant bénéficié du peau-à-peau ont pris du poids plus rapidement, dorment mieux, et sont tous sortis plus rapidement de l’hôpital.
De même, les massages peuvent s’avérer très bénéfiques. Ils multiplient les effets positifs que l’on observe au toucher affectueux. Pratiqués régulièrement, avec douceur et tendresse, ils vont diminuer le niveau de stress de l’enfant, diminuant ainsi les risques d’infection et de maladie.
Quand mère et enfant seront enfin de retour à la maison, adopter un maternage proximal sera plus que bénéfique et permettra, notamment grâce au déploiement d’hormones positives que cela induit, de palier aux souffrances des débuts (sans toutefois les éliminer totalement, mais en en rendant le souvenir plus supportable).
La séparation, c’est aussi au détriment du père et des fratries
La séparation induit beaucoup de souffrance et de tristesse, elle crée des vides immenses dans les cœurs et dans les âmes. Bien sûr, cela est vécu différemment selon que la séparation est due à de graves raisons pathologiques, comme en cas de prématurité importante, ou à de raisons matérielles incompréhensibles, comme on a pu le voir avec le cas du berceau chauffant (qui a quand même mené à une honteuse séparation de 3 jours).
Quoiqu’il en soit, il est important de dire que cette séparation mère/enfant est aussi une cruelle réalité pour les autres membres de la famille :
- Le père, qui se sent impuissant et désemparé face à la détresse de sa femme. Il se retrouve en première ligne pour recevoir les informations du médecin. C’est lui bien souvent qui voit le bébé en premier, qui constate sa vulnérabilité, sa dépendance aux machines médicales. C’est lui qui reçoit ainsi en pleine face ce qui risque fort d’être vécu comme un échec à la création, à donner la vie. Même si c’est souvent oublié car on pense d’abord à l’impact de la séparation sur la mère et le bébé, le père vit aussi très mal cet événement imprévu, qui vient ternir l’image sacrée et féerique de l’union du couple dans la maternité rêvée. Cela peut compromettre l’avenir de la relation parentale, ainsi que celui de la relation père-enfant. Il y aura sans doute des problèmes de communication, et un souci de gestion de personnalité et de rôle, dû à cette négation du rôle de père induit par la séparation – l’enfant est là sans être là, l’accouchement a eu lieu mais la cellule familiale est dispersée. Plus tard, le père pourra couver l’enfant à outrance, le surestimer, tout lui passer, ou bien au contraire le rejeter totalement.
- Les frères et sœurs, à qui bien souvent on interdit de voir le bébé, en raison de leur âge et des risques de transmission microbienne. Dans leur esprit d’enfants, qui ne comprennent pas bien les considérations scientifiques, ils peuvent s’imaginer le pire, et développer des sentiments d’intolérable culpabilité, frustration, colère, qui peuvent éventuellement mener à un fort sentiment de non-appartenance à la cellule familiale. Cela se traduira par de mauvais résultats scolaires, un éloignement des parents, de l’agressivité, et peut également donner lieu à des troubles pathologiques.
Illustration par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com
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2 réponses sur “La séparation à la naissance : pourquoi il faut l’éviter”