Poids de l’environnement et du conditionnement sociétal dans les rituels du coucher, et pourquoi il est important de s’en défaire.
La norme sociale veut que le moment où l’enfant « va au lit » soit décidé par les parents. Pourtant… Imposer une heure de coucher à un enfant qui n’est pas fatigué/prèt à s’endormir, parce que ça nous arrange (il y a des impondérables le lendemain : travail, école, …) ou retarder l’heure de sommeil parce que l’on n’est pas disponible pour accompagner l’enfant (quand on reçoit des invités par exemple ou sur un lieu de vacances) : c’est insécurisant et néfaste pour son bien-être, le développement de son corps, et l’apprentissage de ses ressentis. Votre relation parent-enfant en prend un coup, elle aussi. Ça peut arriver une fois par mois quand on n’a pas géré l’environnement extérieur mais si cela devient systématique, c’est qu’il y a un problème de choix de vie et/ou d’organisation.
Par ailleurs, demander à un enfant de se dépêcher (pour aller au lit) est contre-productif et nuit à son bien-être. En effet, lorsque le parent demande à l’enfant de se dépêcher, le cerveau de l’enfant réagit par une décharge de stress, d’abord parce qu’il ne sait pas forcément ce que ça veut dire, ensuite parce qu’il en est physiologiquement encore incapable, enfin parce qu’il ne comprend pas pourquoi on lui impose ce stress. Son corps devient alors tout mou et il a du mal à coordonner ses mouvements et ses pensées. Généralement cela énerve les parents qui interprètent cela comme un affront, pourtant il s’agit bien de la part de l’enfant d’une réaction physiologique involontaire et incontrôlable. Si le parent commence à s’énerver, fronce les sourcils, insiste, menace, insulte l’enfant et/ou le fait culpabiliser, la décharge de stress est aggravée. Le corps de l’enfant se fige, c’est comme s’il ne pouvait plus bouger. Dans son cœur, il éprouve de la honte, de la peur. Et dans sa tête, il peut se dire : je ne suis pas un bon enfant, Papa/Maman ne m’aime pas, je lui cause trop de problèmes.
Il n’y a pas de technique pour faire en sorte qu’un enfant aille plus vite : ce serait aller contre son rythme naturel, ce serait le couper dans son enthousiasme et son besoin de jouer, ou d’observer et apprendre à son rythme. En revanche, nous pouvons changer notre environnement, et améliorer notre rythme de vie et l’organisation familiale.
Accompagner et rassurer
Pourquoi est-il important que le parent accompagne son enfant vers le sommeil ?
Un enfant dont le parent est disponible pour cet accompagnement est pleinement rassuré. Il doit savoir/sentir que son parent sera là, quel que soit le moment où les signes de sommeil vont se manifester. Cela lui permet d’aborder ce temps qui est avant tout pour le jeune enfant, un temps de séparation du parent, plus sereinement (beaucoup d’enfants ont peur de s’endormir à cause de ça : est ce que je vais me réveiller ?, est ce que mes parents seront toujours là au réveil ?). Il est tout aussi important que le parent ne force pas le sommeil : si les signes de fatigue ne sont pas là, il est vain de tenter de forcer l’enfant à s’endormir. Cela est source de nombreux conflits au sein des familles. Il est important que les parents soient bien conscients de cela : un enfant ne s’endort pas à la demande, selon les besoins plus ou moins impératifs des parents, quand ça les arrange, quand ils en ont besoin.
Un bébé ou un enfant s’endort quand il est fatigué. C’est aussi simple que cela. Est-ce que vous vous imaginez, vous, vous endormir tranquillement alors que vous n’avez pas sommeil, mais pour satisfaire le besoin de quelqu’un d’autre ? C’est comme si vous preniez un comprimé lorsque c’est votre conjoint qui a mal à la tête, comme si vous vous forciez à manger alors que c’est lui qui a faim.
Reconnaître les signes de fatigue : quand l’enfant est prêt pour le temps de sommeil
Chaque être vivant possède ses propres signes indiquant qu’il est fatigué et prêt pour le sommeil. Le petit humain n’échappe pas à ce fonctionnement. Il est important que les parents/les personnes vivant avec l’enfant apprennent à reconnaître ces signes, afin de l’accompagner au mieux dans ce moment de la fin de journée qui peut parfois s’avérer très angoissant. Il est tout aussi important que les parents apprennent aux enfants à reconnaître eux-mêmes ces signes, à être à l’écoute de leur corps et à entendre et respecter les signaux qu’il leur envoie, en leur apportant une réponse adéquate. Plus l’enfant est accompagné tôt dans cet apprentissage, plus cela est bénéfique pour lui : il saura toute sa vie être à l’écoute de son corps et de ses besoins. Même quand il n’est encore qu’un tout petit bébé, nous pouvons l’aider en décrivant ce qu’il ressent, et en mettant des mots sur les manifestations diverses de la fatigue. Nommer va contribuer à rassurer l’enfant sur ce qui se passe en lui. En identifiant ces signes de fatigue, il apprend à y répondre rapidement et donc à répondre à ses besoins.
Quels sont ces signes ?
- les frissons ;
- refroidissement du corps ;
- les yeux piquent/l’enfant éprouve le besoin de se frotter les yeux ;
- il ressent le besoin de prendre son doudou ;
- il demande à être porter / il veut des câlins – il est moins attentif ;
- s’il a une petite habitude de dodo, comme sucer son pouce, s’enrouler une mèche de cheveux autour d’un doigt, se caresser le lobe de l’oreille, etc, il va commencer à le faire sans forcément s’en apercevoir ;
- son corps est moins tonique, l’enfant devient « mou » ;
- il a tendance à s’allonger ;
- il choisit des activités calmes, prend un livre, un coloriage ;
- il pleure et s’énerve plus vite et plus facilement ;
- il trébuche, Etc.
Que faire lorsque les signes sont là mais que l’enfant résiste à l’endormissement ?
Les raisons physiologiques bloquant le sommeil peuvent être multiples. Si elles sont récurrentes et trop envahissantes, il est impératif de s’assurer qu’il n’y ait pas à cela une raison médicale. Le plus souvent, ces raisons peuvent être :
- Inconfort de base : l’enfant a trop chaud/trop froid ;
- La couche a besoin d’être remplacée ;
- Il a des douleurs dentaires ;
- Il a des désordres digestifs, pouvant aller de l’intolérance alimentaire, à l’allergie non encore identifiée, en passant par le reflux, etc ;
- Il a trop de tensions – il peut être salvateur de voir un praticien spécialisé (osthéopathe pour bébés par exemple) ;
- etc.
Les raisons peuvent aussi être d’ordre psychique :
- l’enfant n’a pas rempli ses divers besoins au cours de la journée
- il est frustré, et triste
- il n’a pas assez joué
- il n’a pas assez passé de temps avec ses parents, etc.
C’est exactement comme pour l’adulte : le soir, vous êtes hyper fatigué mais vous avez quand même envie de regarder un film. Votre besoin de divertissement, de relâcher les pressions de la journée, doit être rempli afin que vous puissiez trouver le sommeil. Pourquoi en serait-il autrement pour les plus jeunes ? ils ont eux aussi besoin de remplir leurs besoins afin de trouver le sommeil. La nature des besoins peut être différente, de l’adulte à l’enfant, mais le principe est le même. Alors, si l’enfant ne veut pas dormir, l’accompagner au mieux c’est l’aider à identifier les besoins non satisfaits, l’aider à les remplir, tout en lui rappelant que les signes de fatigue sont là : « je vois que tu te frottes les yeux, veux-tu que nous allions au lit lire une histoire ? »
Comment identifier le besoin non comblé ?
Il y a toute une variété de besoins, que l’enfant verbalise d’ailleurs parfois très bien lui-même :
- Il a soif (ou même faim) ;
- Il a besoin de faire pipi ;
L’enfant, tout comme l’adulte, a besoin le soir venu de se libérer des tensions de la journée, et de remplir son réservoir affectif vidé par tous les petits stress croisés au quotidien. Il peut le faire, et on peut l’accompagner, de différentes manières :
- Faire un câlin (contact physique rapproché qui va libérer de l’ocytocine, favorisant l’élimination des tensions de la journée et préparant le corps à la détente du sommeil) ;
- Jouer. Jouer détend les corps et les esprits, libère de l’ocytocine et de la sérotonine (hormones du bonheur et de la détente). Cela permet aux enfants, en revivant des situations vécues lors de leur journée, de les désacraliser et de se les approprier en les contrôlant (L’enfant rejoue ce qui l’a mis mal pour essayer de contrôler, changer la fin, se donner le pouvoir de prendre le dessus dans la situation désagréable) ;
- S’il a besoin de plus de temps partagé : lire une histoire, écouter un podcast, se raconter sa journée, …
A ce sujet, il est utile de se rappeler que les enfants ont souvent du mal, jusqu’à 7/8 ans, à raconter ce qu’ils ont fait. Souvent les parents le prennent mal, mais c’est juste que le petit ne sait pas comment s’exprimer, ou quoi raconter.
Il est alors bienvenu de le guider avec des questions, et de partager avec lui votre propre journée : « aujourd’hui, j’ai beaucoup aimé écouter les oiseaux chanter au parc. Et toi, qu’est-ce que tu as le plus aimé dans ta journée ? » puis, faites l’inverse : « aujourd’hui au bureau, je n’ai pas aimé … », et ayez ensemble une petite discussion.
Afin de répondre aux besoins de votre enfant, observez-le et posez-vous les bonnes questions :
- Comment se passent ses journées ? avec qui est-il en contact ? est-ce que cela répond à ses besoins affectifs ?
- Comment se déroule les moments avant l’endormissement de l’enfant ? le temps entre le repas et la mise au sommeil est-il suffisant ?
- Accompagnez-vous votre enfant au sommeil ? si oui, comment ? est-ce suffisant ?
- Que se passe-t-il quand l’enfant se réveille la nuit ? quelle est la fréquence de ses réveils ? dans quel état est l’enfant dans ces moments-là ?
- Parvenez-vous à garder votre calme ? est-ce que les deux parents participent à ces instants ?
Si l’enfant persiste à repousser le sommeil, et que les hypothèses pathologiques ont été écartées, il convient de s’interroger plus profondément sur ses besoins, particulièrement si l’enfant passe beaucoup de temps hors de chez lui et sans ses parents :
- S’il va à l’école ou chez une nounou, comment cela se passe-t-il là-bas ? est-ce que l’enfant ne fait pas face à une situation ou une relation qui le dépasse et l’effraie ?
S’il se sent en insécurité, l’enfant même épuisé repoussera le sommeil jusqu’à ses limites. C’est aussi le cas pour un bébé à la maison mais dont un ou les deux parents sont surmenés. On l’a déjà dit, l’enfant ressent ce que ressentent ses parents, il est aussi vain de lui cacher que ça ne va pas que de le forcer à dormir quand il n’en a pas envie. Un bébé ou un enfant dans une telle situation, sentant le mal-être de ses parents, va se sentir en insécurité, en danger, et va alors réagir en faisant son possible pour que le parent se souvienne qu’il existe. Alors que justement l’adulte a besoin de calme et ressent l’envie d’être seul, l’enfant va au contraire chercher un maximum de contact afin de se rassurer. Généralement, cela agace encore plus le parent épuisé. Il est alors très (trop) facile de sombrer dans un cercle vicieux. Faites-vous accompagner avant d’en arriver là.
Que faire quand le parent est trop fatigué ?
Lorsque l’on est soi-même épuisé, que nos propres besoins ne sont pas remplis, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’aider notre enfant à remplir ses propres besoins. Si vous souhaitez que l’enfant s’endorme parce que VOUS êtes fatigué et que vous n’avez plus l’énergie pour être disponible pour lui : Il est alors important de mettre en place de nouvelles stratégies pour combler vos propres besoins de sommeil, sans que cela impacte la qualité de l’accompagnement que vous proposez à votre enfant pour son sommeil. Il est donc important de prendre soin de nous, et d’être nous aussi attentifs aux signaux que nous envoie notre corps. Si on manque cruellement de sommeil, on va s’agacer beaucoup plus vite, perdre patience et on risque alors de dire ou faire des choses regrettables. Soyons plus indulgents envers nous-mêmes, et adoptons des stratégies nouvelles pour nous permettre de remplir nos propres besoins, afin d’être plus disponible pour notre enfant. Dès que nous le pouvons et en ressentons le besoin, faisons des siestes ! il n’y a rien de déshonorant à se reposer en cours de journée. C’est même très bénéfique au corps comme à l’esprit. Allongeons-nous au travail quand nous le pouvons, faisons la sieste avec nos enfants, prenons du temps « off » le week-end. Si cela s’avère trop compliqué, n’hésitez pas à demander de l’aide : l’autre parent, la famille, les amis, peuvent prendre le relais et s’occuper de l’enfant pendant que vous vous reposez, ou prenez un temps de calme. Tant que l’enfant se sent en sécurité avec la personne à qui il est confié et qu’il est demandeur, il n’y a aucun souci à demander ces relais, et à lâcher prise de votre côté : si l’enfant fait confiance, faites-le vous aussi. Afin de remplir votre réservoir affectif, nous vous conseillons la lecture de cet article.
La solution cododo
Dormir ensemble est une des solutions à conseiller. En effet, l’enfant rassuré par la présence du parent s’endort plus sereinement, a moins besoin d’être réconforté car il sait que le parent est là, et ne va pas se relever 20 fois pour vérifier qu’il n’a pas été laissé seul. Les enfants ont besoin de dormir accompagnés, ils ont besoin d’une présence toute la nuit pour se rassurer. S’ils se retrouvent seul au réveil et qu’ils savent qu’ils se retrouveront à nouveau seuls dès qu’ils se rendormiront, alors en toute logique ils vont lutter pour ne pas se rendormir. Ce besoin est naturel et présent chez tous les petits, on observe même chez les animaux que les petits, lorsqu’ils sont plusieurs, dorment tous collés les uns et aux autres. Ce n’est pas seulement pour réguler leur température, c’est aussi pour la présence affective. Avec le cododo, l’enfant est rassuré, le parent mieux reposé. Il est donc important de mettre en place des stratégies pour installer le cododo et que cela se passe bien pour tout le monde. Cela peut se faire avec les deux parents ou avec un seul parent.Si un enfant allaité demande à dormir avec son papa, la maman peut par exemple tirer son lait à l’avance, et ainsi bénéficier d’une nuit complète de sommeil.
Pleurs et réveils nocturnes
Là encore, il est important d’écarter des raisons pathologiques, ainsi que la satisfaction des besoins primaires (il a trop chaud/froid, il a faim, il est mouillé, etc). Il existe plein d’autres raisons aux réveils nocturnes : variations hormonales dans un corps en construction, bruits extérieurs, troubles digestifs ponctuels, douleurs passagères, etc. Cela peut être aussi que l’enfant n’a pas assez déchargé sa tension nerveuse accumulée. Cela peut être dû à une mauvaise journée en collectivité, mais ça peut aussi être dû à quelque chose de plus profond : un traumatisme lié à la naissance, ou bien un « secret » que la maman par exemple croit bien caché (secret familial, problème au travail, etc) mais qui en réalité la ronge tellement que cela rejaillit sur son enfant.
Quand l’enfant se réveille, même s’il est plus âgé, son meilleur moyen d’alerter les parents c’est … pleurer. Alors bien entendu, se faire réveiller en pleine nuit, ça n’est pas agréable. Mais notre instinct nous pousse (naturellement) à y répondre, il est important de l’écouter, et de ne pas se laisser influencer par les normes sociales, et les recommandations familiales ou sociétales qui conseillent de laisser pleurer le bébé/l’enfant pleurer. Quand on est en cododo, on peut répondre à ces pleurs sans se lever, ce qui peut changer considérablement le reste de la nuit : – L’enfant, rassuré sur la pérennité de la présence parentale, est plus serein pour retrouver le sommeil ; – Le parent ne s’étant pas levé a moins de difficultés à se rendormir.
Pour résoudre ce souci des réveils nocturnes, il faut là encore se poser les bonnes questions (mais le lendemain, à tête reposée – pas lorsque l’on est hagard, à 3h du matin). Sur le moment, on se connecte à l’enfant, en lui parlant avec douceur, en le regardant dans les yeux – pas en lui hurlant dessus parce qu’il nous a tiré.e brutalement des bras de Morphée. On essaie de faire communiquer l’enfant, et on accueille sans jugement et avec empathie ce qu’il ressent. On prend le temps de le rassurer suffisamment, en le gardant contre nous aussi longtemps qu’il le souhaite, et en l’inondant de caresses apaisantes.
Si le souci vient de notre fort intérieur, on travaille dessus pour s’en affranchir : quand nous nous sentirons libérés de ce poids, il en ira de même pour notre enfant.
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5 réponses sur “Comment accompagner son enfant vers le sommeil ? (Sans l’y contraindre)”