Les douces violences

Qu’est-ce que c’est ?

C’est ce que l’on considère comme « les petits riens » du quotidien, des actes ou des paroles brefs, ancrés dans nos habitudes de parents, que l’on fait inconsciemment ou involontairement, et que l’on juge anodins. Il s’agit d’actions que l’on ne considère pas comme gênantes, que l’on peut même trouver drôles (mais c’est notre point de vue d’adulte). Ce sont tous ces gestes, comportements et paroles qui sont générés par les habitudes sociales, mais aussi souvent par notre impuissance en tant que parent, ainsi que par notre propre expérience, étant enfant, des douces violences.

Il est important de souligner que les douces violences sont également très présentes et même systématiques dans les lieux d’accueil de la petite enfance, qu’il s’agisse de petites structures comme les accueils en maison d’assistantes maternelles, ou des structures plus grosses et plus institutionnalisées, comme les crèches ou les écoles. Ce sujet est très largement développé dans les ouvrages de Christine Schuhl.

Les douces violences regroupent tous les comportements perçus comme banals mais qui ont bel et bien un impact sur le développement affectif, social et psychologique de l’enfant. En effet, toutes ces douces violences créent un malaise chez l’enfant, un mal-être, et mènent à l’insécurité affective, ainsi qu’elles installent un climat de crainte et de méfiance, voire de rancœur liée à la frustration.

Quelle est la différence entre douce violence et VEO ?

Le parent qui pratique les douces violences comme celui qui pratique les VEO ne le fait généralement pas consciemment, au sens où il n’est pas délibérément en train de faire du mal à l’enfant : il ne cherche pas à nuire. Les 2 comportements sont étroitement liés. Cependant, on peut noter cette différence :
Avec les VEO, le parent pense éduquer son enfant : lui apprendre, en lui imposant son comportement, à faire comme il faut. C’est le fameux « c’est pour son bien » dénoncé par Alice Miller lorsqu’elle parle de pédagogie noire ;
Avec les douces violences, le parent n’a absolument pas conscience que son comportement peut blesser l’enfant : c’est le cas très évident du petit surnom qui blesse l’enfant, alors que l’adulte le trouve « trop mignon ». C’est aussi le cas lorsque nous imposons à l’enfant tout ce qui nous concerne, mais que lui ne comprend pas, et qui ne répond pas à ses besoins, ni à ses envies.

Tout comme pour les VEO, nous avons tous été confrontés aux douces violences dans notre propre enfance : nous allons donc automatiquement les reproduire avec nos propres enfants (faute de développement personnel). Cela est d’autant plus facile que, nous l’avons dit plus haut, les douces violences sont considérées comme anodines, et comme n’ayant pas d’impact sur le développement et le bonheur de l’enfant. Avec les douces violences, les parents ne culpabilisent pas, bien au contraire : ils reproduisent des schémas ancrés dans nos sociétés, sans avoir la moindre conscience du mal qui est ainsi fait. C’est pour cette raison qu’elles sont appelées « douces violences » .

Liste non-exhaustive de douces violences

C’est tout ce qui est parole blessante, geste maladroit, manque d’attention (on reste le visage figé sur le portable alors que l’enfant nous parle), jugements, a priori, etc. C’est aussi quand on laisse nos propres sentiments/opinions/goûts/envies/besoins prendre le dessus sur ce que ressent l’enfant – on l’empêche de s’exprimer, on nie son existence en tant qu’individu, on considère que notre opinion/envie prime parce qu’on est adulte et donc supérieur.

  • Donner des surnoms péjoratifs que l’on trouve mignons mais qui en réalité blessent l’enfant (« petit monstre »), qui a besoin pour se construire et se sentir exister en tant qu’individu reconnu d’être appelé par son prénom ;
  • Faire des promesses mais ne pas les tenir (en pensant par exemple que l’enfant, parce qu’il est enfant, aura vite oublié) ;
  • Faire les choses à sa place, sous prétexte que l’on est pressé ou que l’on fait mieux, parce qu’on est adulte ;
  • Le presser constamment, ou lui reprocher d’être lent à faire les choses, alors que c’est un enfant et que les enfants n’ont pas du tout les mêmes approches temporelles que les adultes, ni les mêmes priorités ;
  • L’empêcher de bouger alors que c’est pour lui un besoin physiologique impérieux (en le mettant dans un parc, en lui mettant des chaussures inconfortables mais que l’on trouve jolies, en le forçant à rester dans la poussette pour que notre rythme ne soit pas ralenti, etc) ;
  • Le comparer aux autres, alors que nous sommes tous différents, et évoluons tous à notre propre rythme ;
  • Parler de lui devant les autres comme s’il n’était pas présent : ce que ressent alors l’enfant c’est que nous n’en avons que faire, et que nous méprisons ses capacités de compréhension ;
  • Le forcer à faire la bise, un câlin, aller dans les bras des autres, donner la main, se laisser toucher, etc, en faisant passer le contentement d’un autre adulte avant la volonté et le bien-être de l’enfant ;
  • Le forcer à jouer avec les autres quand il n’en a pas envie, le forcer à partager ses jouets quand il n’en a pas envie ;
  • Le sommer d’arrêter de pleurer/crier/se plaindre plutôt que d’accueillir ses émotions ;
  • Le forcer à rester à table parce que nous, adultes, n’avons pas fini ;
  • Etc.

En quoi est-ce dangereux ?

C’est la répétition de tous ces comportements qui aura un effet néfaste à long terme sur le développement et l’épanouissement de l’enfant qui, s’il n’est pas entendu dans sa douleur à un moment ou à un autre de sa vie, reproduira à son tour ces schémas dégradants et destructeurs sur ses propres enfants le moment venu. Ainsi, le processus n’aura jamais de fin.

Peu à peu, l’enfant victime de douces violences est blessé, il s’éloigne, se déconnecte de l’adulte, et va se positionner dans une posture d’auto-défense. L’adulte, qui pratique les douces violences le plus souvent inconsciemment (pas par mauvaise intention, mais simplement parce qu’il a tellement lui-même vécu cela étant enfant que les douces violences se sont banalisées pour lui) ne comprend pas et c’est alors l’engrenage dans la dégradation des relations.

Comment s’éloigner des douces violences ?

Tout comme l’enfant est invité à réparer au lieu d’être puni, nous, en tant que parent, pouvons réparer nos gestes et nos paroles trop vite envolés. Plaçons-nous à la hauteur de l’enfant, demandons-lui ce qu’on peut faire pour prendre soin de lui, expliquons-lui que nous sommes particulièrement fatigué(e), stressé(e) à ce moment donné de notre vie, et que notre geste/parole a dépassé notre volonté et notre amour pour lui. Rappelons-lui combien nous l’aimons, et que nous l’aimerons toujours, quoiqu’il arrive.
En tant qu’être humain, nous avons tous des failles, et sommes tous vulnérables face à autrui, adulte comme enfant. Cela n’est plus dramatique si on en prend conscience, si on admet le problème, que l’on a l’intention de prendre soin de l’autre et que l’on fait ce qu’il faut pour réparer. Avec la prise de conscience vient le début du cheminement vers d’autres habitudes, de nouvelles démarches qui, ajoutées les unes aux autres, avec les efforts de chacun, aboutiront à un monde meilleur.

Mieux que la réparation, il existe aussi la prévention. Interrogeons-nous sur nos comportements, et nos véritables objectifs et souhaits en tant que parents :
qu’est-ce qui est réellement important pour nous ? que l’enfant reste à table jusqu’à ce que tous les adultes aient terminé, ou bien que notre enfant se sente heureux, non pas contraint et humilié devant d’autres ?
Quel genre d’individu voulons-nous voir grandir avec nous ? un enfant croulant sous les contraintes et les soumissions issus d’un monde d’adultes, ou bien un petit être heureux, libre de se développer à son rythme et selon ses propres besoins ?

N’hésitons pas à lâcher prise : il n’y a pas et il n’y aura jamais d’enfant parfait, pas plus qu’il n’y a de parent parfait. Toutes ces anciennes méthodes, notamment les rites autour du repas, du coucher, les obligations de politesse ou d’attention envers des gens que l’enfant ne connait ou ne reconnait pas, ou n’apprécie pas, font-elles réellement du bien aux enfants ? ou bien, au contraire, est ce que cela ne nous engage pas dans des conflits et un mal-être quotidiens ? Essayons de nous placer à la place des enfants, essayons surtout de nous souvenir de ce que nous ressentions, nous-mêmes, étant Enfant, en toute honnêteté et sans se mentir, cela aide beaucoup à modifier la donne.
Reconsidérons nos priorités, méditons, désacralisons ce qui nous a construits : évoluons, changeons, vers un monde meilleur pour les enfants.

Afin de se débarrasser des douces violences, il faut surtout ne pas être dans le déni, mais au contraire accepter que l’on en fait et qu’elles ont un impact négatif sur l’enfant ; il faut aussi vouloir changer. Bien entendu, cela ne se fera pas en une journée. Il faut prendre le temps d’y réfléchir, et d’engager une réflexion globale et quotidienne : est- ce que ce geste/cette parole est une douce violence ? et ce que cela blesse mon enfant ? est-ce que cela nous éloigne l’un de l’autre ? pourquoi est-ce que je fais cela sans m’en rendre compte ? comment puis-je m’en débarrasser ?

Pour savoir plus en détail dans quelles situations les douces violences risquent de revenir, afin de les éviter, découvrez les 9 raisons pour lesquelles il est difficile de conserver un accompagnement respectueux au quotidien.


Illustration par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com



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