Dans certaines discussions autour de l’éducation, il y a des arguments qui reviennent souvent — et certains font froid dans le dos. Comme ce commentaire vu sous une de mes vidéos récemment : « Faut punir les enfants, sinon ils finiront comme Nahel. »
Ce genre de phrase mérite qu’on s’arrête un moment. Parce qu’elle en dit long sur notre société. Et sur ce qu’on projette sur les enfants, en particulier ceux qui ne sont ni blancs, ni riches.
Non, Nahel n’est pas mort parce qu’il a été mal élevé
Dans certaines discussions autour de l’éducation, il y a des arguments qui reviennent comme des réflexes. On les entend à chaque débat sur la parentalité, sur les limites, sur les violences éducatives :
Moi j’ai été puni, ça m’a pas tué.
Les enfants ont besoin de discipline.
Si on les laissait faire, ils finiraient comme Nahel.
Ces commentaires je les ai lu de nombreuses fois sous mes vidéos.

Nahel Merzouk. 17 ans. Tué par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre lors d’un contrôle routier. Il n’était pas armé. Il ne représentait aucun danger pour les policiers. Il n’a pas été arrêté. Il a été exécuté.
Et c’est ce drame qu’on convoque pour défendre les punitions ?
Il est temps de remettre les choses à leur place.
Un enfant n’a pas besoin de punition pour survivre à la police
Quand on prétend qu’un jeune est mort parce qu’il n’a pas été assez puni, on légitime une idée profondément dangereuse : que la répression protège. Qu’il faut habituer les enfants à avoir peur pour les empêcher de mourir.
Mais ce qu’on enseigne à un enfant en le punissant, ce n’est pas à survivre.
C’est à obéir. À se taire. À avoir peur du pouvoir.
Et dans un monde où certaines vies valent moins que d’autres, apprendre à obéir ne suffit pas. Les jeunes comme Nahel peuvent suivre les règles, montrer les mains, baisser les yeux — ils ne sont jamais entièrement protégés. Parce que ce n’est pas leur comportement qui est jugé. C’est leur existence même.
« C’est une bavure » : un mot qui masque la structure
Nahel n’est pas le premier. Ni le dernier. Les violences policières ciblent prioritairement des jeunes hommes racisés, souvent issus de quartiers populaires. Ce n’est pas un dysfonctionnement, ce n’est pas un cas isolé, ce n’est pas une exception.
Parler de « bavure », c’est sous-entendre que le système fonctionne bien, sauf rares débordements.
Mais c’est ce système lui-même qui produit la violence. Et ceux qui meurent sont presque toujours les mêmes : jeunes, racisés, précaires.
Nahel n’est pas mort pour avoir désobéi. Il est mort parce qu’il a été perçu comme un corps à neutraliser. Un danger par défaut.
Accuser la mère, c’est protéger la violence d’État
Quand un jeune est tué par la police, on détourne vite le regard. On passe du meurtre à la morale. On ne parle plus de justice, on parle de la mère. De sa manière d’éduquer. De son autorité. De ce qu’elle aurait dû faire.
Mais qu’est-ce que ça dit, exactement ?
Qu’on peut tuer un adolescent si sa mère est débordée ?
Qu’on peut abattre un jeune si ses parents n’ont pas su le punir à temps ?
Accuser les mères, c’est une vieille recette politique. Ça permet de ne pas regarder le tireur. Ça permet de justifier l’injustifiable. De dire, en creux : il n’avait qu’à être différent. Il n’avait qu’à naître ailleurs. Il n’avait qu’à se tenir droit.
Mais aucun adolescent ne mérite d’être tué par un représentant de l’État. Aucun.
L’éducation, ce n’est pas apprendre à obéir à la violence
Éduquer, ce n’est pas dresser. Ce n’est pas apprendre aux enfants à avoir peur pour être respectés. Il y a une immense confusion entre autorité et pouvoir.
Entre transmission et dressage. Entre limites et humiliation.
Ce que certains appellent « éduquer », c’est parfois simplement apprendre aux enfants à ne pas déranger. À se soumettre. À avoir peur… Mais faire peur n’a jamais été une preuve d’amour. Et une éducation qui prépare à subir les abus d’autorité n’est pas une éducation protectrice — c’est une éducation complice.
L’éducation ne consiste pas à faire taire un enfant pour qu’il soit accepté dans un monde injuste. L’éducation, c’est lui donner les outils pour contester ce monde. Pour défendre sa dignité. Pour reconnaître et refuser la violence, même si elle est institutionnelle.
L’éducation est politique
Quand un jeune est tué, ce n’est pas sa mère qui est responsable. Ce ne sont pas les jeux vidéo. Ce n’est pas son comportement.
C’est un système qui décide qui a droit à la sécurité et qui n’y a pas droit.
C’est une société où la couleur de peau, le quartier, le prénom, peuvent suffire à désigner un ennemi.
Dire cela, ce n’est pas excuser un délit.
C’est refuser qu’un adolescent puisse être abattu pour l’avoir commis.
C’est rappeler que la justice ne se rend pas à bout portant.
C’est dire que la peur n’éduque pas.
Et que ce ne sont pas les enfants qu’il faut corriger. C’est le pouvoir qui tue.
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