La pédagogie Freinet, individualisation du travail et coopération dans l’apprentissage

Article et données mises à jour le : 26 mars 2024

Les guerres dévastent tout sur leur passage. Mais, elles peuvent produire des effets insoupçonnables sur notre perception du monde. La der des der, celle de 14-18, a transformé bien des vies et des mentalités. Et, il y en a un qui n’est pas passé au travers : Célestin Freinet. Ce jeune professeur n’en sortira pas indemne. Il a abandonné son poste pour rejoindre les rangs de l’armée française. Blessé par une balle au poumon, il rentre avant l’armistice et redevient instituteur. Mais l’ancien soldat mutilé n’a plus les mêmes capacités physiques qu’auparavant. Il a le souffle court et fatigue vite. C’est cet événement, combiné à son esprit pacifique, qui changera à jamais sa façon de concevoir l’instruction. L’horreur du conflit mondial et de l’obéissance aveugle et inconditionnelle à une hiérarchie vont nourrir sa pédagogie. Il va bousculer une tradition scolaire centenaire et vieillissante. Au 19e siècle, sonne déjà le glas de l’éducation nouvelle. Fervent militant, il va s’y jeter à corps perdu et fonder l’école moderne ((l’ICEM et le FINEM).

Une coopérative enseignante

Pour le célèbre pédagogue, l’ensemble de la communauté professorale a le devoir de partager ses découvertes, ses succès, tout comme ses échecs. Comment évoluer en même temps que la société quand les instructeurs sont esseulés ? Comment désamorcer des querelles et venir à bout d’une impasse quand on manque d’objectivité ? Ils s’épuisent dans la masse de travail. Nous en faisons l’amer constat tous les jours. Les instituteurs sont désemparés et sombrent dans des dépressions à répétition. Ils ne savent plus comment gérer le stress et venir en aide aux élèves en difficultés. Ils ne progressent plus car ils ne mettent pas en commun leurs expériences. C’est pour cela qu’il n’existe pas de formation, à proprement parlé, pour devenir un professeur dans un établissement estampillé Freinet. Il s’agit plus d’une auto-formation à travers la revue coopérative Le nouvel éducateur et diverses rencontres au sein de l’école ou lors de congrès. Chacun soumet son point de vue aux autres pour mutualiser les acquisitions. Cette micro-société collaborative se retrouve même au sein de la classe Freinet.

Les petits apprenants participent activement à leur apprentissage dans des classes en ateliers autonomes. Chacun y a un rôle bien défini. Les manuels et les cours magistraux sont bannis. Ils sont remplacés par les BT (Bureau de Travail), des exposés, des exercices libres et des discussions. C’est une véritable petite fourmilière où chacun sait ce qu’il a à faire et s’active dans son travail en toute concentration. Ils suivent un plan bien particulier. En effet, il n’y a pas de notes, mais un système de brevets emprunté au scoutisme. Il y a des passations obligatoires (les dominantes fondamentales comme le français et les maths) et facultatives (artiste, mécanicien, nageur…). Il y en a 30 en tout. L’écolier avance à son rythme pour pouvoir, in fine, tous les obtenir. Ils savent où ils en sont et ont envie de réussir, contrairement aux notations qui classent, mais ne font pas progresser. Les élèves sont impliqués dans une dialectique entre travail collectif et individuel.

Redonner à l’enfant l’amour du travail

Tous les enfants ont des possibilités, faut-il encore les mobiliser. À contrario, l’échec face à des difficultés disproportionnées démotive l’étudiant. L’apprentissage est un juste-milieu entre ces deux aspects. Les activités doivent représenter un enjeu, tout en étant accessibles pour ne pas le décourager. Contrairement à des idées reçues, l’éducation active n’est pas un apprentissage faiblard. La curiosité naturelle et l’envie lui donne la satisfaction du travail bien fait. Le cognitif est relié au sensoriel et au psychomoteur. C’est comme cela qu’il se perd dans ses expériences, au point d’étonner bien souvent le professeur. Poussé par ses découvertes, le petit chercheur peut même en oublier son sujet de départ.

L’instructeur est un observateur qui accompagne, tout en veillant au respect des règles. Il s’adapte à sa classe et non le contraire. Céléstin Freinet a déprolétarisé le rôle de l’enseignant et lui a redonné ses lettres de noblesse. Son handicap lui a fait comprendre qu’il doit se positionner comme un assistant et non un transmetteur de savoir tout puissant. Pour se faire, il a mis à la disposition des plus jeunes, les outils des adultes. L’un des plus emblématiques est l’imprimerie. Elle symbolise l’expression libre et mène à la voie de l’émancipation. Le journal est lu par l’ensemble de l’école et envoyé dans d’autres institutions (correspondance inter-scolaire). Un véritable programme d’échanges est mis en place. Les enfants acquièrent le sens des responsabilités et la confiance en soi. Ces habilités leur prouvent qu’ils peuvent mener à terme des projets, si minimes soient-ils. Cette compétence a pour but de les accoutumer à leur vie future.

Préparer la société démocratique de demain

Pour Célestin Freinet, l’enfant doit exercer son esprit critique, être libre et non-conformiste. Il avait l’habitude de dire que “L’école n’est pas là pour former des bénis oui-oui”. Les moyens d’arriver à un but prédéfini sont nombreux. Le plus important est de cultiver sa singularité et son individualisme, toujours dans le respect de son prochain. Cette vision de l’éducation n’est pas sans rappeler celle de Steiner. Il est réfractaire à toute forme de catéchisme religieux ou politique. Les apprentissages doivent pouvoir s’appliquer extra-muros et préparer les petits à leur vie d’adulte. Pas seulement dans le cadre professionnel, mais aussi émotionnel et social. Les projets transdisciplinaires sont réalisés par groupes de 3-4 protagonistes. La fin de l’année scolaire donne lieu à une exposition réservée aux parents.

En conclusion, nous disons qu’il est plutôt compliqué de pratiquer les fondements de cette méthodologie à la maison. En effet, elle est fondée sur la collaboration et les projets communs… à moins que vous soyez une famille nombreuse ou que vous fréquentiez régulièrement d’autres familles IEF (Instruction En Famille) !

Par contre, il est intéressant de transposer cette correspondance enseignante en la transformant en une entraide communautaire. Elle est déjà très active via les réseaux sociaux, mais elle pourrait être améliorée. Vous pouvez encourager votre enfant à argumenter au sein de son propre foyer et se lancer sur divers desseins.


Illustrations par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com


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4 réponses sur “La pédagogie Freinet, individualisation du travail et coopération dans l’apprentissage”

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