Rendons-nous chez nos voisins belges pour rencontrer le fondateur de la méthode globale. Ovide Decroly est né dans un milieu bourgeois, en 1871, à Renaix. Il s’intéresse très tôt aux sciences humaines. C’est donc tout naturellement qu’il entreprend des études de médecine avec un intérêt particulier pour le cas des enfants “déficients”.
En 1901, il ouvre sa propre maison à ses petits patients, mentalement diminués, pour fonder « l’Institut d’Enseignement Spécial – Laboratoire psychologique du Dr Decroly ». Il est convaincu que les enfants atypiques ont les mêmes compétences que les enfants dits “normaux”. La seule différence réside dans leur lenteur. C’est ce qui, d’ailleurs, lui a servi à identifier clairement les étapes de l’apprentissage. En 1907, il crée sa propre école publique, l’Ermitage, au sein de laquelle il transpose sa méthode. C’est un véritable succès.
En 1920, il devient professeur universitaire à Bruxelles et fonde un an plus tard la Ligue Internationale de l’Éducation Nouvelle.
Un projet autour d’une idée pivot
Pour notre éducateur, une instruction qui ne s’articule pas autour du quotidien de l’enfant est vouée à l’échec. Les enseignements doivent avoir du sens et doivent pouvoir s’appliquer dans sa réalité. Et le meilleur moyen de le stimuler est de susciter sa curiosité naturelle en faisant appel à sa sensibilité.
Les centres d’intérêt
Selon lui, les besoins vitaux du quotidien sont les suivants : se nourrir, se défendre, lutter contre les intempéries et agir. Ce sont ces actions qui définissent le fil conducteur des apprentissages. De ceux-ci, sont extraits les centres d’intérêts de l’apprenant. En général, on retrouve les thèmes suivants : la famille, l’école, les animaux, les végétaux et l’Homme.
Toutes les activités qui en découlent doivent faire appel à sa sensibilité, sa créativité, ses compétences exécutives et cognitives :
- Travaux manuels.
- Travaux de recherche.
- Sorties en classes vertes.
- Confection d’un journal.
- Confrontations des idées.
- …
L’objet “surprise”
En début d’année, l’enseignant apporte un objet “surprise”. Il est dissimulé dans un sac. Les écoliers sont intrigués. Ils le palpent, le sentent, le soupèsent et émettent des hypothèses. Que peut donc bien être cette chose ? Une fois qu’elle a été dévoilée, certains comparent, d’autres trient selon l’ordre de grandeur ou de couleurs. La classe en discute, échange ses connaissances et donne son point de vu. Le tout, sous le regard bienveillant du professeur qui observe attentivement la scène tout en suscitant subtilement des questionnements. C’est à partir de ce moment qu’un projet transdisciplinaire se monte. Il se prolongera toute l’année.
La classe-laboratoire
En résumé, Decroly décompose l’apprentissage en 3 principes fondamentaux :
- L’observation.
- L’association.
- L’expression.
Les petits sont de petits chercheurs en herbe, parfois au grand dam de leurs parents. Ils aiment observer les objets sous toutes les coutures et faire leurs propres expérimentations. Ce sont des réflexes archaïques vitaux qui leur permettent de comprendre l’environnement qui les entoure. Cette impulsion instinctive les aide à se construire pour le monde de demain. La salle de classe doit donc être au service de cette appétence, riche et engageante avec un mobilier interchangeable. Elle doit être ouverte sur l’extérieur et proche des espaces verts (ou facilement accessible grâce aux transports en commun).
La méthode globale
Vous en avez sûrement entendu parler dans le cadre de l’acquisition de la lecture. Et pourtant, elle couvre un bien plus large spectre. En effet, Ovide Decroly considère que les enfants voient le monde dans sa globalité. C’est seulement par la suite qu’ils isolent les particularités. Ils opèrent un constant va et vient entre l’ensemble et le détail. Pour lui, l’éducation doit s’appuyer sur le même procédé. On extrait une notion dans son ensemble pour ensuite l’étudier sous tous ses aspects. On part donc du concret pour se diriger doucement vers l’abstrait.
Prenons l’exemple de l’oiseau.
Visuellement, les élèves parlent de sa description, de sa capacité à voler, du son qu’il émet, etc. Puis, on peut présenter le sujet en se demandant « comment fait-il pour voler ? ». Un petit groupe peut se charger de faire des recherches dans une encyclopédie. On peut également se demander s’il en existe différentes espèces. À ce moment, on peut envisager une sortie en forêt pour les observer dans leur milieu naturel. Et pourquoi ne pas emprunter des romans sur cette thématique ? Ou réfléchir au rôle de l’oiseau dans l’histoire de l’Homme (pigeon voyageur, cuisine, sport, etc.). Ou encore, fabriquer un nichoir ou aborder l’aérodynamique. Bref, vous l’avez compris la liste est longue, voilà pourquoi, il faut bien une année pour venir à bout du projet.
Pour apprendre à lire, la pédagogie Decrolyenne utilise la même technique. Les petits sont en relation constante avec la lecture et l’écriture. Que ce soit à l’école, à la boulangerie, sur les airs de jeux, etc. Lors de l’élaboration du projet, le professeur va inscrire des mots au tableau. Les élèves vont les voir régulièrement et vont finir par les reconnaître. Puis, ils vont essayer de les décortiquer pour comprendre la sonorité des lettres et des graphèmes. Une fois que ceux-ci sont acquis, ils vont pouvoir les réutiliser pour déchiffrer d’autres mots, etc. Ces nouveaux lecteurs ne s’acharnent plus sur la technique, mais privilégient le fond à la forme.
Cette méthodologie a fait ses preuves, c’est indéniable. Pourtant, un vent d’insurrection plane et divise les professeurs. Certains se plaignent de résultats plus que médiocres. Comment cela est-il possible ? La raison est simple. C’est parce qu’ils ne prennent pas la méthode dans son ensemble. Ils n’ont sélectionné que la partie concernant la lecture. Et c’est là où le bât blesse. En effet, il faut être formé à cette pédagogie pour en appliquer correctement les principes, au risque d’être contre-productif.
La solution médiane consisterait à utiliser une méthode semi-globale, également appelée méthode mixte.
Le rôle de l’enseignant
Comme dans la plupart des pédagogies actives, l’instructeur est renvoyé au rôle d’observateur et d’accompagnateur neutre. Cette fonction est primordiale puisqu’elle permet de développer la flexibilité cognitive de l’enfant. Celui-ci doit être à l’initiative de son apprentissage. Mais il ne peut pas y parvenir seul. Certes, il bénéficie d’une grande autonomie lui permettant d’avancer à son rythme. Pour autant, il ne peut pas évoluer seul. Il a besoin d’un mentor flexible, aux valeurs humanistes. Un accompagnant qui sache associer de la sciences naturelles, des maths, ou de la littérature à son thème. L’enfant est écouté, son avis est pris en compte et son esprit critique valorisé. Aucun jugement de valeur n’est apporté à son travail. L’écolier étudie en partenariat avec son professeur et les autres membres de son groupe du moment. Il n’y a aucune hiérarchie des matières, ni d’évaluation, à part en interne. Il y a simplement un compte-rendu fait aux parents sur les acquis et les centres d’intérêt de leur progéniture.
Si votre cœur penche vers ce genre d’approche, nous vous conseillons également de lire notre chapitre sur la pédagogie Freinet.
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3 réponses sur “La pédagogie Decroly, « Une éducation pour la vie, par la vie »”