Comprendre le rôle des complices dans les systèmes oppressifs

Pourquoi les oppressions ont-elles besoin de complices ?

Toutes les oppressions ont besoin de complices. Ce sont ces personnes qui, souvent sans en avoir conscience, défendent les systèmes qui les écrasent.

Les gardiennes du patriarcat

Dans le patriarcat, certaines femmes adoptent des comportements ou des discours misogynes pour être acceptées dans des cercles d’hommes cis (privilégiés, donc) ou éviter des sanctions sociales. Mais cette stratégie ne les protège pas réellement : elles restent soumises aux mêmes mécanismes patriarcaux et peuvent être rejetées dès qu’elles cessent de servir ce système… elles ne se rendent pas compte à quel point elles doivent prendre sur elles quotidiennement pour correspondre aux attentes du patriarcat qui, en réalité, sont impossibles et contradictoires : sois vierge / sois mère, sois désirable / sois pudique, sois indépendante / sois soumise… À chaque instant, elles doivent jongler avec ces injonctions contradictoires, et ce poids mental finit par les enfermer dans un état de vigilance constant.

Comment fonctionne la misogynie intériorisée ?

La misogynie ne se limite pas à voir les femmes comme « trop féminines » ou « trop faibles ». C’est un système d’oppression qui vise à maintenir les femmes dans une position inférieure, en punissant celles qui ne se conforment pas aux normes patriarcales. Une femme peut être méprisée parce qu’elle est jugée « trop féminine » (perçue comme futile, passive, incapable), mais aussi parce qu’elle est jugée « pas assez féminine » (perçue comme trop autoritaire, indépendante, agressive). Ce double standard permet au patriarcat de contrôler les femmes en jouant sur la peur du rejet et du mépris. En valorisant celles qui adhèrent au système et en ostracisant celles qui le contestent, il s’assure une reproduction de la domination masculine sans même avoir besoin d’un contrôle direct.

Pourquoi certaines victimes d’oppression la reproduisent-elles ?

Mais ces comportements ne viennent pas de nulle part. Il ne faut pas tomber dans l’erreur qui consisterait à accuser ces femmes d’être responsables du patriarcat. Elles sont elles-mêmes victimes d’un conditionnement qui leur laisse croire que leur survie dépend de leur adhésion aux règles masculines. Les hommes mettent en place des mécanismes de récompense et de punition qui les poussent à soutenir ces idéologies : valorisation de celles qui « ne sont pas comme les autres femmes », accès à des privilèges conditionnels (protection, reconnaissance, confort matériel/financier, parfois même pouvoir), et rejet violent de celles qui s’émancipent. Il ne s’agit pas d’un choix libre, mais d’une stratégie d’adaptation à un système oppressif (stratégie de survie).

Un mécanisme commun à toutes les oppressions

Ce mécanisme ne se limite pas au sexisme. On le retrouve dans toutes les oppressions systémiques. Des personnes racisées peuvent reproduire des discours racistes, pensant ainsi se faire accepter par les blancs. C’est le même principe que l’argument « j’ai un ami noir », mais poussé un cran plus loin : si une personne noire, arabe, asiatique valide un discours raciste, alors les oppresseurs peuvent s’en servir pour justifier leurs idées. « Si même lui est d’accord avec nous, alors ce n’est pas du racisme ! » De la même manière, on trouve des personnes LGBTQIA+ qui répètent des idées LGBTQIAphobes, pensant ainsi démontrer qu’elles ne sont « pas comme les autres » et qu’elles méritent leur place parmi les dominants (les cis het).

Pourquoi des personnes racisées votent-elles pour des partis politiques racistes ?

Un exemple frappant est celui des personnes noires qui votent pour des partis ouvertement racistes, comme le Rassemblement National (RN) en France. On pourrait penser qu’il est absurde pour une personne racisée de soutenir un parti dont les idées et les politiques visent directement à restreindre ses droits et à la marginaliser. Pourtant, ce phénomène existe et s’explique par plusieurs facteurs. Certains voient dans le RN une promesse d’ordre et de protection face à l’insécurité, en adhérant au discours selon lequel l’immigration (y compris celle de personnes qui leur ressemblent) serait responsable des problèmes sociaux. D’autres ont intégré les stéréotypes racistes au point de vouloir se distinguer de ceux qu’ils perçoivent comme « les mauvaises minorités ». Ce mécanisme d’adhésion à une idéologie qui les rejette est une stratégie, souvent inconsciente, pour tenter d’échapper à la stigmatisation en se plaçant du côté du pouvoir.

La reproduction des violences éducatives

Dans l’oppression des enfants, ce rôle de complice est souvent tenu par des adultes qui, eux-mêmes, ont subi des violences éducatives. On entend souvent des phrases comme : « Moi j’ai été tapé.e et j’en suis pas mort.e ! », ou « Moi on m’a laissé pleurer et j’ai bien grandi ! ». Ces adultes ne se rendent pas compte qu’ils participent à la perpétuation d’un système violent. Ils ont intériorisé l’idée que ces souffrances étaient normales, voire nécessaires, et les reproduisent par peur d’être exclus par les autres adultes s’ils commencent à remettre en question ces violences. Beaucoup préfèrent défendre ces pratiques plutôt que d’admettre qu’ils ont eux-mêmes été victimes d’injustices et de maltraitances.

Qui sont les vrais responsables ?

Ce n’est pas à cause de ces personnes que ces oppressions existent. Elles sont avant tout victimes de ces systèmes, manipulées pour les renforcer. Le véritable coupable, c’est le patriarcat, le racisme systémique, l’homophobie structurelle, l’adultisme. Ces oppressions fonctionnent comme des systèmes bien huilés, qui utilisent certaines de leurs propres victimes comme des outils pour s’auto-renforcer.

Pourquoi les systèmes oppressifs utilisent-ils des complices ?

C’est une stratégie classique : utiliser une personne concernée qui valide un discours oppressif pour légitimer ce discours. En gros, c’est l’arme parfaite pour que les dominants puissent dire “Regardez, c’est pas nous qui le disons, c’est quelqu’un de leur groupe.” Cela permet aux systèmes d’oppression de se renforcer tout en paraissant plus légitimes, car ils ne viennent plus uniquement d’une classe dominante identifiable, mais semblent validés de l’intérieur.

Comment sortir de ces schémas ?

Déconstruire ces oppressions demande donc de la lucidité : comprendre que ces personnes ne sont pas les ennemies, mais les produits d’un système qui les force à adopter ces rôles. Et c’est en leur offrant des espaces de remise en question et de sécurité qu’on peut, petit à petit, fissurer ces systèmes et avancer vers plus de justice.


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