Isoler un enfant pour le punir : Les effets délétères sur le cerveau

Isoler un enfant peut se faire sur le plan physique (c’est la très classique mise au coin ou au piquet) mais aussi sur le plan psychique. L’isolement est induit par n’importe quelle forme de punition, et même par les violences verbales : le fait de punir est une atteinte au lien affectif qui lie l’enfant à ses parents, cela le met à l’écart, c’est comme une pause dans la relation. Cela place l’enfant dans une position extrêmement inconfortable d’insécurité affective (d’autant plus grave si elle vient s’ajouter à une insécurité physique).

La mise au coin, qu’elle soit physique ou verbale, est connue sous l’appellation anglo-saxonne « time-out »  : un terme qui, selon nous, exprime bien toute la violence de la démarche. Il peut aussi bien s’agir :

  • de la punition classique que de nombreuses générations ont connue à l’école,
  • d’une humiliation verbale en public,
  • d’une volonté plus dangereuse de la part de l’adulte qui la décrète.

Il s’agit d’un phénomène sociétal culturel, qui malheureusement reste très répandu, que ce soit au niveau familial ou dans les structures d’accueil de la petite enfance. C’est encore pratiqué couramment dans certaines écoles primaires, et parfois même, c’est recommandé par des pédiatres.

Voir l’article Les violences éducatives ordinaires dans nos écoles

Un adulte cherche à isoler un enfant pour :

  • s’en débarrasser, s’en décharger (il se sent en incapacité d’accueillir les besoins et les émotions de l’enfant, qui peuvent le renvoyer à sa propre histoire) ;
  • le forcer à réfléchir à son comportement (alors que l’enfant n’en a pas les capacités cérébrales) ;
  • le punir en le blessant “pour qu’il comprenne” (alors, que, on le sait : la punition n’a aucun intérêt en terme d’accompagnement) ;
  • asseoir son autorité, par la peur, la menace, la contrainte (alors que ces pratiques sont terriblement néfastes).

Voir l’article Pourquoi les punitions, récompenses, menaces et le chantage sont néfastes ?

Quoiqu’il en soit, il apparaît très clairement à la lumière des découvertes en neurosciences de l’enfant, que ses effets sont dévastateurs sur le développement du cerveau.

Les recherches scientifiques montrent toutes sans équivoque que la détresse émotionnelle provoquée par l’isolement est telle que les dégâts infligés au cerveau sont aussi graves et délétères que ceux provoqués par les violences physiques.

L’impact désastreux de l’isolement sur le développement de l’enfant

Isoler un enfant, c’est le mettre en état de désespoir. L’adulte cherche à isoler l’enfant au moment où, au contraire, celui-ci a le plus besoin de contact et de rapprochement. Il faudrait donc, au contraire du « time-out », proposer un « time-in ».

A travers cet acte de soumission parentale, l’enfant interprète que ses émotions ou ses actes menacent la relation avec ses parents. Il est urgent pour lui de maintenir le lien et d’en assurer la sécurité, il pense alors qu’il n’a d’autre choix que de refouler ses émotions et ses sentiments, et de s’aligner sur ce que souhaitent ses parents, afin d’éviter un autre isolement dans le futur. L’enfant doit se soumettre à la volonté de l’adulte, cesser d’être lui-même afin d’être celui que l’adulte veut qu’il soit. L’enfant, qui se voit privé de son droit à l’amour inconditionnel, doit répondre aux exigences comportementales de ses parents s’il veut conserver leur affection.

L’impact de l’isolement est donc double : non seulement le premier besoin de l’enfant, celui qui a provoqué le comportement jugé déraisonnable par l’adulte, n’est pas comblé, mais en plus il se voit enfoncé dans un monde de tristesse, d’incompréhension et de solitude.

Que ressentiriez-vous en tant qu’adulte, si votre conjoint vous forçait à l’isolement ? Vous seriez profondément triste et humilié.e. Pourquoi l’enfant réagirait-il autrement ? Dès la naissance, l’être humain est mû par un besoin profond d’être aimé par son entourage, et respecté comme une personne. L’isoler est extrêmement dégradant et douloureux, c’est vécu comme un rejet, un abandon. De plus, n’oublions pas que l’enfant qui témoigne d’un comportement jugé « déraisonnable » par les adultes, n’est autre qu’un être au cerveau immature, en proie à de grandes difficultés. Le rôle des parents n’est certainement pas d’écraser l’enfant dans sa douleur, mais bien au contraire de l’aider à surmonter ce moment difficile, avec le moins de dommages cérébraux possible.

Aucun effet pédagogique

Submergé par ses émotions désagréables, l’enfant ne tirera aucun bénéfice pédagogique de la situation. En outre, il ne dispose pas des capacités cérébrales pour réfléchir à son comportement, ainsi que l’exige très souvent le parent à l’origine de l’isolement.

Si le parent a par la suite le sentiment que l’enfant a « intégré la règle », c’est simplement que, terrorisé à l’idée de se retrouver de nouveau isolé, se soumet. Est-ce vraiment le genre de relations que nous voulons avoir avec nos enfants ?

Un enfant enfermé dans son isolement se retrouve seul face à sa colère, et à sa douleur qui ne fait qu’attiser encore plus sa colère. Plutôt que de réfléchir à son comportement, l’enfant va ressasser, et laisser sa tristesse nourrir rancœur et désir de vengeance. Cela se passera de manière consciente pour les plus grands, et de manière inconsciente s’inscrira dans la mémoire corporelle des plus jeunes. En aucun cas, cela n’aboutira à un résultat positif, escompté par le parent à l’origine de l’isolement. Ce sentiment de vengeance pourra s’extérioriser aussi bien à la période de la (pré-)adolescence qu’à l’âge adulte, et aussi bien envers les responsables de l’isolement qu’envers les propres enfants de l’enfant victime devenu adulte.

Enfin, une conséquence logique et inévitable est que l’enfant blessé, dans les moments difficiles, ne se tournera plus vers ses parents pour chercher compréhension et réconfort. Il ira chercher ce réconfort ailleurs, chez d’autres êtres humains (pourvu que son entourage soit respectueux et puisse lui servir de témoin secourable) ou sous forme d’ADC (Automatisme De Contrôle – la suce/le pouce/le doudou, ronger les ongles, les bonbons, les écrans, la cigarette, les drogues,  alcool), ou bien se repliera sur lui-même.

Les alternatives

Nous donnons là des indications de comportement utiles à la fois après que le mal ait été commis : l’enfant a été puni, et avant, pour éviter que la punition ne tombe. L’ordre n’est pas indicatif, même si le gros câlin en point de départ paraît essentiel, afin de restaurer le lien mis à mal par le comportement indésirable. La discussion quant à elle est conseillée après que les autres propositions soient venues renforcer le lien affectif, et auront laissé le temps à l’enfant de s’apaiser totalement, et à l’adulte de répondre au besoin exprimé par l’enfant.

Notons que souvent la simple présence de l’adulte rassure l’enfant (il n’est, justement, pas isolé), dans la mesure où, bien entendu, l’adulte n’est pas dans une posture de violence ou une intention de violence quelle qu’elle soit vis-à-vis de l’enfant.

  • un bon gros câlin ! le contact physique intensif est très utile si l’enfant traverse une grosse tempête émotionnelle et a beaucoup de mal à se calmer. Dans les bras d’un parent, il va peu à peu se laisser envahir par les hormones positives, ce qui apaisera ses tensions. Il est nécessaire d’attendre cet apaisement avant de commencer à discuter ;
  • proposer un « time-in » : un temps d’activité partagé. C’est-à-dire que l’on propose à l’enfant une activité à réaliser en commun (un gâteau, un jeu) ; 
  • si l’enfant a vraiment besoin d’être rassuré sur les sentiments du parent à son égard, on opte pour quelque chose que l’adulte fait pour l’enfant : en lui lisant par exemple un de ses livres préférés, ou un de ces livre dont le texte lui-même est écrit pour rassurer l’enfant sur les sentiments de ses parents. Cela peut aussi être de consacrer du temps à jouer avec lui à son jeu préféré ;
  • On pratique l’écoute active : on écoute ce que l’enfant a à dire, on accueille ses émotions avec empathie et surtout sans aucun jugement de notre part. Il est conseillé de répéter avec des mots simples ce qu’a décrit l’enfant, afin d’obtenir son approbation. Cela montre à l’enfant que l’adulte a bien compris ce qu’il ressent et souhaite exprimer. Se savoir entendu est pour l’enfant la moitié du chemin parcouru dans la gestion de ses émotions ;
  • On discute ! ensemble, forts du lien qui nous unit, nous parents, avec nos chers enfants, on discute, afin de trouver une solution qui convienne à tout le monde pour éviter que le parent ne craque à nouveau sur une punition. La discussion doit être calme et sereine, basée sur l’échange et la communication, le respect sans notion de supériorité, et l’Amour inconditionnel.

Les « coins de retour au calme » et autres méthodes de défoulement de la colère

Les espaces de retour au calme et/ou de défoulement de la colère sont très à la mode, mais à utiliser avec précaution : ils ne doivent pas se substituer à l’accompagnement parental, mais être proposés en complément bienfaisant.

L’espace de retour au calme reste un isolement de l’enfant (d’ailleurs, il est bien souvent appelé « coin de retour au calme »), et même s’il est proposé en douceur par le parent, il intervient à un moment où l’enfant, dans un état de grande détresse, a justement et au contraire, besoin de soutien.

L’espace de défoulement de la colère l’incite à déverser sa colère de manière incontrôlée (elle est simplement limitée dans l’espace), ce qui n’apprend pas vraiment à l’enfant à l’accueillir ni à la comprendre.

Dans les deux cas, l’enfant n’est pas accompagné par l’adulte, et donc ses émotions ne sont ni accueillies ni entendues, ce qui implique que le comportement à l’origine de la situation compliquée se reproduira. En revanche, il est tout à fait bénéfique de proposer à l’enfant une des activités clés du coin de retour au calme après avoir discuté avec lui, après avoir accueilli ses émotions (par exemple notamment, dessinez ce qui a été ressenti. C’est une autre manière de lui permettre d’exprimer ses émotions). Les méthodes méditatives et relaxantes sont également à proposer une fois que l’enfant a bénéficié d’une écoute active, ou quand, plus grand, il a déjà acquis un certain stade d’écoute de ses émotions. Avant cela toutefois, il serait malvenu d’attendre de l’enfant qu’il accompagne seul ses émotions, comme l’impliquent les coins de retour au calme et de défoulement de la colère.

Le cas particulier de l’isolement pour raisons de sécurité

Il peut parfois être nécessaire d’isoler l’enfant afin d’assurer sa sécurité, en l’éloignant d’un danger immédiat auquel il est directement exposé ; cela est à évaluer par les parents au cas par cas. Il peut s’agir d’une situation de danger extérieur, mais il peut aussi s’agir d’un moment où un des parents, (voire les deux) ne maîtrise pas sa colère et est susceptible de se comporter violemment avec l’enfant, que ce soit physiquement ou verbalement – on l’a déjà dit, les violences verbales ont des répercussions aussi dramatiques que les violences physiques. Si on est amené à vivre ce genre de situation, il est absolument impératif d’expliquer à l’enfant pourquoi on doit l’isoler (ou s’isoler soi-même), sans quoi il assimilera cela à une punition, et en subira le même genre de conséquences néfastes.

Soulignons en outre que si ce besoin d’isolement se fait sentir, c’est qu’il est temps de prendre conscience que notre propre base est insécure, et que nos propres besoins ne sont pas satisfaits : il est alors urgent de trouver une nouvelle stratégie pour que ce besoin d’isolement ne se reproduise jamais.

L’isolement n’est pas et ne sera jamais une bonne idée pour maintenir une relation saine, juste et équilibrée.


Chaleureuse recommandation :

Isolement de l’enfant : que nous dit la recherche ? (1/2) de Marc-André Cotton

Isolement de l’enfant : que disent (vraiment) les recherches sur le « time-out » ? (2/2) de Marc-André Cotton


Illustration par : @amphigary (instagram) / @amphigary (facebook) / amphigary@icloud.com



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