Alice Miller

D’origine polonaise, Alice Miller est l’une des plus grandes autrices spécialistes de la violence éducative ordinaire, et sans doute la plus grande spécialiste ayant écrit sur les répercussions des violences subies durant la petite enfance, à l’âge adulte.

Freud fut le premier philosophe à affirmer comme indéniable le lien entre les violences subies dans la petite enfance, et le comportement à l’âge adulte. Alice Miller s’est beaucoup inspirée de ses travaux, ainsi que de ses propres rencontres et de l’évolution des nombreux patients qu’elle suivait en thérapie.

Alice Miller dénonce ce qu’elle appelait la « pédagogie noire », qui est en fait le système éducatif répressionnaire ancré dans nos sociétés occidentales depuis des siècles. Une éducation longtemps influencée, voire contrôlée, par les autorités religieuses en place, et qui servit de racine à bon nombre de criminels, de terroristes, aux principaux acteurs de l’Allemagne nazie, ainsi qu’elle aime à le souligner (elle était adolescente en Pologne pendant la 2nde Guerre mondiale), mais aussi, de manière plus générale, à bon nombre de parents « ordinaires », qui ont ainsi créé des drames au quotidien, et perpétué le cercle vicieux de la violence éducative ordinaire.

1 – Qu’est-ce que la pédagogie noire ?

Cette pédagogie repose sur la négation du vivant. Elle vise à réprimer et nier les sentiments et émotions des enfants, en les empêchant et en leur interdisant de les exprimer. L’idée est d’éviter à tout prix une quelconque remise en cause de l’autorité en place (les tout-puissants parents), et d’y soumettre l’enfant entièrement, en employant pour cela tous moyens jugés utiles et nécessaires.

Pendant longtemps (des siècles), les « auteurs éducateurs » se sont employés à montrer l’importance et l’utilité, pour ne pas dire la nécessité, de battre un enfant, et ce « pour son bien », afin de poser les bases d’une bonne éducation, soumise et obéissante – l’enfant ne doit pas discuter les ordres ou principes éducatifs qu’il reçoit.

Par ailleurs, il était naturel de voir en l’enfant la source du mal, par opposition aux adultes, au-dessus de tous soupçons pourront-on dire, et qui par conséquent avaient pour devoir d’enseigner à leurs enfants les règles morales de la société. Jusqu’à il y a très peu de temps, personne n’avait osé remettre en question ce système sociétal ancestral ultra répressif.

Les moyens d’oppression du vivant sont multiples, et pas forcément physiques – pièges, mensonges, ruses, dissimulation, manipulation, intimidation, privation d’amour, isolement, méfiance, humiliation, mépris, moquerie, honte, utilisation de la violence, jusqu’à parfois la torture.

Ils sont utilisés le plus tôt possible, avant que l’enfant soit capable de réagir, ou de comprendre à quel point ce qu’il subit est mal. Les acteurs de la pédagogie noire visent à « casser » l’enfant, à lui ôter toute volonté de révolte contre l’autorité suprême.

La pédagogie noire se base sur des rapports de force et de soumission, non pas sur des rapports de respect et d’amour.

2 – Pourquoi la pédagogie noire ?

L’éducation répressive est malheureusement un cercle vicieux, qui sera perpétré et engendrera toujours plus de violence, tant que le système éducatif traditionnel ne sera pas massivement remis en question et que les gens ne comprendront pas l’impact dramatique des violences subies durant la petite enfance. Pour le moment, cet impact est toujours globalement minimisé dans nos sociétés, même si le mouvement anti VEO regroupe chaque jour plus de membres désireux de changer les choses.

Le principal obstacle au changement est que les parents qui ont été maltraités ou battus étant enfants, maltraitent ou battent à leur tour leurs propres petits, afin d’essayer de conjurer ce sort, et de prendre un pouvoir qui leur a été infligé quand eux-mêmes étaient enfants. Il s’agit de faire subir à d’autres ce dont eux-mêmes ont tant souffert, consciemment ou non. Cette puissance qu’ils sentent à frapper ou maltraiter leur enfant leur permet de s’affranchir de cette terrible souffrance, de cette impuissance, dont ils ont souffert auparavant (et ce, qu’ils s’en souviennent consciemment ou non. Le corps lui, se souvient) –

Tout bourreau a un jour été une victime.

Pour ceux qui martyrisent des enfants, il s’agit le plus souvent de faire le meurtre de leur propre existence d’enfant : poursuivre chez leurs enfants ce qui leur fait peur ou qu’ils tentent de nier en eux-mêmes. Par ailleurs, maintenir refoulées les souffrances de sa propre enfance, conduit à un manque d’empathie, ce qui généralement a pour effet d’accentuer les maltraitances – leurs auteurs ne voient pas en quoi c’est mal. On a tous en tête le fameux « la fessée, je n’en suis pas mort », qui n’est autre, pour celui qui prononce cette phrase, qu’une tentative de négation de ses propres souffrances enfantines.

3 – Les limites de l’éducation.

Pour Alice Miller, au-delà des violences éducatives ordinaires disons plus évidentes, l’éducation en elle-même reflète trop souvent les besoins ou frustrations de l’adulte, sans avoir de nécessité réelle pour le bien-être de l’enfant, ou pour son bon développement. Parfois, voire même régulièrement selon les familles, même si l’adulte est convaincu de son bienfondé, la mesure éducative entrave le développement de l’enfant.

Alice Miller liste ces besoins de l’adulte :

  • Besoin inconscient de reporter sur un autre les humiliations subies dans le passé ;
  • Besoin de trouver un exutoire aux affects refoulés dans l’enfance ;
  • Besoin de posséder un être vivant, disponible et manipulable ;
  • Besoin de conserver sa propre défense, l’idéalisation de sa propre enfance, et de ses parents, en reproduisant les mêmes schémas ;
  • Peur de la liberté ;
  • Peur de la réémergence du refoulé, que l’on retrouve chez son propre enfant et que donc on doit à nouveau tuer en lui ;
  • Besoin de vengeance pour les souffrances endurées durant sa propre enfance.

4 – Les dangers de l’éducation classique et de la pédagogie noire, selon Alice Miller.

L’amour d’un enfant envers ses parents est inconditionnel. Sa tolérance est sans limites, il reste fidèle et aimant, prêt à tout pardonner, quoi que ceux-ci lui fassent. Il arrive à justifier les actes malveillants, à trouver des excuses au parent maltraitant, qu’il idéalise – il ne faut pas oublier que le petit enfant est totalement dépendant de l’adulte qui s’occupe de lui. Si le tout petit enfant se voit refouler dans ses émotions, cris, pleurs, détresse, il apprend peu à peu à se taire, ce qui le conduit à réprimer ses besoins instinctuels. Il arrive même à rejeter la faute sur lui-même, à apprendre à ne plus s’aimer, à se convaincre qu’il est source du mal, responsable de ce qu’il subit (« je suis cet être mauvais qu’il faut sans cesse punir »), ce qui bien entendu a des conséquences dévastatrices, qui perdureront à l’âge adulte.

Si l’enfant refoule ses émotions pour survivre, bien souvent il va aussi refouler les souvenirs des mauvais traitements. Or, le refoulement n’élimine pas les effets du traumatisme, au contraire, il les ancre profondément en l’être qui a subi. S’il survit, et ne fait pas de démarche pour extérioriser sa détresse, en étant accompagné par un professionnel qui a lui-même fait cette démarche à titre personnel, il lui sera nécessaire d’exprimer sa souffrance, et reproduira ce modèle de maltraitance dans ses relations familiales et sociales – c’est ce qu’Alice Miller appelle la compulsion de répétition. (Si le thérapeute n’a pas fait lui -même cette démarche, il risque de mal accompagner le patient, et de lui faire plus de mal que de bien, en participant, par exemple, à l’idéalisation du bourreau). Le refoulement a pour conséquences de nombreux troubles et maladies, qui se manifestent de façon plus ou moins tardive, intense et dramatique, selon les individus.

D’autre part, pour elle l’éducation dite classique est trop souvent :

  • Un système de défense des adultes ;
  • Une manipulation pour échapper à leur propre insécurité et à leur propre absence de liberté ;
  • Et donc, par conséquent, un danger pour l’enfant.

5 – L’accompagnement parental.

Pour autant, Alice Miller ne pense pas du tout que l’enfant doit grandir sans aucun accompagnement parental. Il a besoin d’être accompagné physiquement et moralement :

Il a besoin, pour son développement, de respect de la part de sa personne de référence, de tolérance pour ses sentiments, de sensibilité à ses besoins et à ses susceptibilités, du caractère authentique de la personnalité de ses parents – et non de considérations éducatives.

En résumé, l’accompagnement de l’enfant par ses parents et proches doit être fondé sur :

  • Le respect de l’enfant ;
  • Le respect de ses droits ;
  • La tolérance pour ses sentiments ;
  • La volonté de tirer de son comportement un enseignement sur sa nature et sa sensibilité ;
  • La disponibilité morale du parent : on apprend de chaque enfant ;
  • L’empathie.

Tous ces éléments se conjuguent, et intègrent un processus d’évolution où tout est lié, et où tout s’entraîne vers l’avant : plus on apprend de l’enfant, plus on est apte à répondre à ses besoins, et donc mieux on arrive à l’écouter, et donc plus on apprend, etc.


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2 réponses sur “Alice Miller”

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